Une fabuleuse histoire industrielle
L’aventure industrielle de la chocolaterie Menier commence en 1825, quand Antoine Brutus Menier, un pharmacien parisien, commence à s’intéresser au chocolat pour enrober les médicaments et fabriquer du chocolat thérapeutique de santé plus largement. Voyant le potentiel du marché en France et manquant de place dans son office situé dans le quartier du Marais, il décide d’implanter une usine dédiée à la campagne, en bords de Marne, près d’un ancien moulin hydraulique à Noisiel.
Petite anecdote : J.A.B. Menier innove dans le domaine commercial. Il aurait été un des premiers à concevoir la tablette de chocolat ! En 1836, il présente son chocolat sous forme de tablette qu’il enveloppe du fameux papier jaune où l’étiquette reproduit, en fac-similé, les médailles obtenues aux expositions internationales. À partir de 1849, la maison Menier appose sa marque de fabrique sur toutes ses productions. Elle se prémunit ainsi des contrefaçons et garantit la qualité et la pureté de ses produits.
Au fur et à mesure des années, l’entreprise se développe. De 1864 à 1866, les ateliers de dressage et de torréfaction sont construits : ce sont les bâtiments les plus anciens subsistant encore à Noisiel.
Le fils, Émile Justin Menier, décide en 1867 de se consacrer uniquement à la production de chocolat alimentaire et de construire une usine moderne, afin de répondre à la demande croissante. C’est l’architecte Jules Saulnier qui est à la manœuvre. Le chocolat, produit de luxe à cette époque, devient grâce à l’industrialisation, plus abordable et accessible au grand public.
Jules Saulnier semble être le premier, en 1869, à avoir conçu une structure métallique porteuse, dans laquelle viennent s’insérer des briques vernissées et de la céramique. Il est principalement connu pour la réalisation du moulin, qui porte son nom à La Chocolaterie.
Plus grande chocolaterie du monde jusqu’en 1914, l’usine Menier de Noisiel, avec son moulin (renfermant les machines de malaxage du chocolat ainsi que de broyage du chocolat et du cacao), est le premier bâtiment européen construit entièrement sur une ossature métallique apparente et porteuse. La façade du moulin, décorée de motifs en céramique et de briques vernissées frappe par son luxe, surtout pour un bâtiment industriel.
De nombreuses galeries souterraines permettaient d’acheminer les wagonnets transportant le chocolat. L’usine était propre et ordonnée, prête à être visitée par de nombreux clients ou industriels de renom. L’architecture de l’usine était devenue un outil de communication à part entière, pouvant être considéré comme précurseur et innovant à l’époque, dans les domaines de la communication et du marketing.
La famille Menier souhaitait une usine qui soit non seulement agréable à regarder pour ses ouvriers, mais aussi un lieu de vie complet. La Cité ouvrière proposait un espace de vie pour les ouvriers et leur famille, avec des maisons ouvrières, un groupe scolaire, une bibliothèque, des jardins, des commerces ou encore une maison de retraite et deux hôtels-restaurants. Ce système humaniste de civilisation, moderne à l’époque d’Émile Menier, respectant l’individualité de chacun, dérivera vers un système plus paternaliste sous la génération de Henri, Gaston et Albert Menier.
En 1882, Louis Logre, fils de Jules Logre, complète le site par la construction du bâtiment de la Halle des Refroidissoirs, l’atelier de refroidissement. Ici encore, c’est le métal, travaillé en colonnettes, chapiteaux et arabesques, qui s’impose. Le raccordement au réseau ferré national intervient également au cours des années 1889. À cette époque, jusqu’à 55 000 tonnes de chocolat quittent l’usine chaque jour. Enfin, entre 1903 et 1908, viennent s’ajouter les constructions du Pont Hardi, un des premiers ponts en béton d’une seule volée et d’une portée aussi longue (44,5 mètres), et de la Cathédrale (atelier de fabrication), dans un style néo-classique où le béton triomphe recouvert d’un parement de briques et de pierres.
Le déclin de la chocolaterie Menier commence durant l’entre-deux guerres avec son ouverture à l’international mais aussi avec l’arrivée de la concurrence suisse et belge qui affaiblit l’entreprise. En 1960, l’entreprise fusionne avec la société Rozan (chocolatier du Béarn depuis les années 1920 et créé le fameux Pyrénéen, puis se développe ensuite en usine Lindt). Leur fusion conduit à la constitution de la Société UFICO Chocolats Menier en 1965. En 1971, l’usine est progressivement rachetée par Rowntree Mackintosh (créateur des Smarties et de la barre Lion), acquise à son tour en 1988 par Nestlé qui devient propriétaire du site et en fait son siège social français à partir de 1996. Le site bénéficie de sa première réhabilitation lourde par Reichen & Robert à cette période, achevée également en 1996.
Un patrimoine architectural
Le Moulin Saulnier est classé, la Cathédrale, le Pont Hardi et la Halle des Refroidissoirs sont quant à eux inscrits aux monuments historiques. Le site a été soumis à l’UNESCO par le gouvernement français en 2002, et la ville de Noisiel est labelisée Ville d’Art et d’Histoire depuis 2000.
Le Moulin Saulnier
Le Pont Hardi
La Cathédrale
La Halle des Refroidissoirs
« Le site de La Chocolaterie est extraordinaire, unique par sa taille, par la qualité de ses bâtiments, et l’extension du périmètre d’inscription du site aux Monuments Historiques en atteste. Aujourd’hui, se montrer à la hauteur de cet héritage exceptionnel, ce n’est pas s’inscrire en hommage, mais au contraire faire vivre son esprit résolument innovant, tant par les technologies que les matériaux employés. »
Jacques lissarague, architecte associé, reichen & Robert et associés
Un patrimoine paysager et naturel ensemble
Au cœur de la vallée de la Marne, le quartier se situe en bords de Marne, dans un cadre bucolique, riche et naturel. C’est un paysage qui inspire, attire et dépayse.
Il se trouve notamment à une encablure de l’île de loisirs de Vaires-Torcy, qui accueillera les épreuves de canoë-kayak et d’aviron des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
« Pour protéger son historique, La Chocolaterie doit se reconstruire. Nous nous assurons que cette étape soit la plus respectueuse possible du patrimoine ; ici, on sait que la connexion à la nature et à l’histoire est si forte, que chacun se sentira garant du lieu. Le passé, le présent et le futur y coexistent trop fortement pour qu’il en soit autrement. »
Florian Dupont, urbaniste, zefco